lundi 15 janvier 2024

Le joueur d'échecs

Le joueur d'échecs,

Stefan Zweig,
Ed. Delachaux & Niestlé, 1944
(Ed. Stock, 1981)


Mot de l'éditeur :


Czentowic, champion d'échecs arrogant, esprit borné à outrance, inculte et étonnamment stupide, occupe le premier plan jusqu'à l'entrée en scène de Monsieur B. Dès lors que cet aristocrate autrichien s'intéresse à la partie livrée entre le champion et les passagers amateurs, la direction du texte bascule.
Par un effet de symétrie, la narration se transforme en un face à face tendu entre un esprit brillant et rapide à l'intelligence abstraite et un cerveau au pragmatisme brutal, incapable de projection véritable. Mise en scène percutante de la résurrection de la folie, cette nouvelle oscille entre ouverture et enfermement.
Dans cette avancée implacable de la stupidité destructrice, allégorie de la victoire du nazisme mais aussi chef-d’œuvre de composition, Zweig s'intéresse peu à la survie du corps, préférant montrer les réactions de l'esprit, qui trouve un symbole parfait dans ce jeu éminemment intelligent mais désespérément stérile.
Publié en 1943, un an après le suicide de son auteur, Le Joueur d'échecs fait figure de testament dans l’œuvre de Zweig.


Dealer : Librairie de la cité, Landerneau

Ma lecture : 


Le joueur d'échecs était un livre imposé pour mon bac littéraire. La définition pure du classique, donc. Mon exemplaire comporte encore quelques annotations illisibles, écrites au crayon gris. Je me souviens l'avoir beaucoup aimé. Sur le pont d'un paquebot à destination de l'Argentine, une partie d'échecs se dispute. Pas n'importe laquelle puisqu'elle oppose le champion mondial Czentovic et deux touristes amateurs. Sans un sourire, sans un mot, le champion avance en fin stratège, pièce par pièce. Puis un autre touriste s'en mêle, propose un coup, et la partie se corse. Le champion perd de son aplomb. La partie est nulle. En veine, le troisième larron, Monsieur B., propose une autre partie.

Et la question, alors, se pose : qui est Monsieur B. ? Il n'a, prétend-il, pas touché un échiquier depuis près de vingt ans. Mais en racontant son histoire au narrateur, on découvre qu'il a été enfermé par la Gestapo, sans livre, sans personne à qui parler. Un jour, il subtilise un manuel d'échecs et rejoue les parties mentalement. C'est une centaine de parties de grands maîtres qu'il rejoue inlassablement. Cela devient son passe-temps. Son obsession. Sa survie. Sa folie. 
Cette dernière partie oppose donc le champion froid et stratège Czentovic à l'esprit libre et résistant aux tortures de la Gestapo de Monsieur B. Nous sommes en 1942, la veille du jour où Zweig se donnera la mort à Petropolis, au Brésil, acculé par la victoire menaçante du nazisme. L'allégorie est implacable. 

En moins de cent pages, Zweig parvient à mettre en place une ambiance tendue autour de la partie d'échecs, à montrer les rouages de l'âme humaine. Il oppose ce champion dénué de toute humanité peint comme un robot formaté uniquement au jeu d'échecs à Monsieur B. que les Nazis ont voulu priver de son humanité et à le faire sombrer dans une sombre folie. Les deux personnages sont finement campés. De loin, assis devant leur échiquier, on pourrait croire à deux dilettantes sur un paquebot. Il n'en est rien. C'est l'âme du monde qui se joue en noir et blanc. Et Zweig a déjà abandonné la partie. Echec au roi.

Vous voulez lire un classique ?
Vous lirez un chef d'œuvre !
Moins de cent pages et vous serez transportés sur un échiquier où la vie est mise en péril. Zweig a la plume acérée et n'a pas besoin d'en dire trop pour tout dire. 

Avis des lecteurs:

Et vous, qu'en pensez-vous ?

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