Enfant de salaud,
Sorj Chalandon,
Ed. Grasset, 2021
Mot de l'éditeur :
Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
- Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce
qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le
disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant,
jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
En
mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus
Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille
aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un «
collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les
interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le
narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un « Lacombe Lucien
» mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure
rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction,
menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on
joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté
cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées
différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis
patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.
Ce
n’est pas un procès qui vient de s’ouvrir, mais deux. Barbie va devoir
répondre de ses crimes. Le père va devoir s’expliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallèle.
L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud.
Dealer : Net Galley
Ma lecture :
Après avoir lu presque toute l’œuvre de Sorj Chalandon, je peux dire que c'est un auteur dont je rate rarement la sortie d'un nouveau roman. Surtout s'il explore la seconde guerre mondiale...
T'étais où, toi, en 1943 ?
Ou : Toi, en 1943, t'aurais été Résistant ou collabo ?
Ou : Regarde cette vieille maison, de quoi a-t-elle été témoin, en 1943 ?
Ce sont de questions que je me pose de temps en temps, pas vous ?
Sorj Chalandon est amené à réfléchir sur le passé de son père lorsque son grand-père lui lance un jour : "Pendant la guerre, ton père était du mauvais côté. Tu es un enfant de salaud". Une gifle eut été moins douloureuse.
Quelques années plus tard, lors du procès de Klaus Barbie en 1987, l'écrivain journaliste enquête sur la guerre de son père. Ses guerres. Tour à tour déserteur, collabo, encore déserteur, résistant : comment détacher la vérité des mensonges ? Les papiers retrouvés, procès verbaux ou photos, ne collent pas avec les histoires de son père. Les histoires ne font pas toujours l'Histoire et les mensonges ne sauvent pas la vérité.
Pendant que le boucher de Lyon est condamné pour crimes contre l'humanité, Sorj Chalandon condamne son père. Leur relation est tumultueuse, caduque, mais peut-il vraiment faire le procès de son père ? Collabo ou résistant, c'est le rôle de père qu'il doit pourtant jouer...
J'ai beaucoup aimé ce roman où les petites histoires rejoignent la grande Histoire. L'écrivain journaliste décrit le procès de Klaus Barbie de façon très...journalistique, puis le romancier reprend la plume, la plume de l'intime. Il raconte également la rafle de la maison d'Izieu, dont Klaus Barbie est soupçonné d'en avoir été le commanditaire, chose qu'il niera toujours. Le procès invite Sorj Chalandon à aborder avec beaucoup de tact les débats des négationnistes face aux récits effarants des anciens déportés.
Bref, Enfant de salaud est un roman bouleversant sur les drames de la seconde guerre mondiale, individuellement ou collectivement. C'est aussi un roman sur la relation filiale, sur la transmission.
Où se situent les histoires d'hommes et de femmes dans l'Histoire ?
Avis des lecteurs:
Et vous, qu'en pensez-vous ?