mercredi 31 janvier 2024

Le convoi

Le convoi,

Beata Umubyeyi Mairesse,
Ed. Flammarion, 2024


Mot de l'éditeur :

"Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées, pour retrouver une image sur laquelle j'espérais figurer, puis pour chercher mes compagnons de fuite. Quinze ans pour m'autoriser enfin à écrire cette histoire. La mienne et à travers elle, car il s'agit bien de me réinscrire dans un collectif, la nôtre, l'histoire des enfants des convois." Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse. Treize ans après les faits, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Le génocide des Tutsi, comme d'autres faits historiques africains, a été principalement raconté au monde à travers des images et des interprétations occidentales, faisant parfois des victimes les figurants de leur propre histoire.

Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, entre recherche d'archives et écriture de soi, Le convoi est un livre sobre et bouleversant : il offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.


Dealer : Masse Critique Babelio


Ma lecture :

Pour être honnête, quand j'ai vu cette couverture et ce titre, en tout petit sur le catalogue Masse Critique de Babelio, probablement sans mes lunettes, j'ai cru qu'on parlait des convois des années 40, vous savez, ceux qui dérivaient vers l'Europe de l'Est. Mais non, nous sommes à l'été 1994, dans un Rwanda en guerre que la jeune Beata s'apprête à fuir. Le convoi est son histoire. Et celle de beaucoup de réfugiés rwandais.  

D'ailleurs, l'autrice Beata Umubyeyi Mairesse ouvre son roman sur cette confusion. En Europe, lorsqu'on évoque un convoi ou des rescapés, on pense tout de suite à la Shoah et à la Seconde Guerre mondiale. C'est notre Histoire proche.
Pourtant, la jeune fille qu'elle était en 1994 a fui une guerre très meurtrière, est une rescapée d'un génocide, qui y a échappé grâce à un convoi humanitaire, cachée sous des couvertures. Son convoi à elle l'emmenait vers la liberté. Et c'est une Histoire que l'Europe avait du mal à regarder en face.

Bien des années après son convoi sauvetage, Beata veut comprendre. Elle interroge sa "mémoire effilochée", des journalistes de l'époque... Quel était ce convoi Terre des hommes ?

J'ai beaucoup aimé les réflexions de l'autrice, ses questionnements autour de la façon de témoigner. Doit-elle témoigner en son seul nom ? Ou son expérience de vie appartient-elle à un socle commun ? Rescapée, est-ce son identité première ? 

Elle témoigne du génocide rwandais dans les collèges et lycée de France. Ces rencontres ont souvent lieu autour d'autre génocides, et elle croise régulièrement des rescapés de la Shoah. Des histoires différentes mais un destin commun. Leurs discours sont similaires. On a voulu les faire taire et les exterminer, mais ils sont là, debout, à témoigner d'une barbarie qui reste parfois indicible. D'ailleurs, jusqu'où dévoiler la vérité pour qu'elle ne soient pas prise pour un infâme mensonge ? C'est une question commune aux génocides.

Un récit tout en pudeur centre sur le questionnement intérieur et le questionnement au monde. Survivre à un génocide : qu'est-ce que cela implique ?

Merci Beata de partager ces questions et de lever ces voiles parfois bien lourds.


Avis des lecteurs:

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