Le mystère de la femme sans tête,
Myriam Leroy,
Ed. Seuil, 2023
Mot de l'éditeur :
« Sur la photo, c’est sa physionomie qui captive. Un petit nez rond et
des bonnes joues mais une morgue et des yeux durs, des yeux qui te
voient là où tu ne veux pas être vue… Tout dans ce visage dit à la
personne qui regarde : “Dégage.” Il est impossible de s’en détourner. Tu
y es ventousée. Fascinée par le caractère hostile de la pose et la
beauté farouche du modèle, débarrassé de toute politesse. »
Qui est cette femme-enfant au regard frondeur ?
Jeune Russe exilée en Belgique, Marina Chafroff fut, sur ordre de Hitler, décapitée à la hache en 1942.
Cette
mère de famille au courage extraordinaire, sacrifiée pour que vivent
des innocents, aurait dû marquer l’Histoire. Elle est pourtant tombée
dans l’oubli. Comment a-t-elle été refoulée de nos mémoires ?
Au fil
d’un récit aux résonances intimes, plein de coïncidences et d’impasses,
Myriam Leroy ressuscite le destin fulgurant d’une météorite dans le ciel
de la Seconde Guerre mondiale.
Un roman intense et habité où 1942 et
2022 se superposent en deux calques troublants reléguant toujours les
femmes à l’arrière-plan.
Dealer : Espace Culturel, Landerneau
Ma lecture :
Pendant le confinement de 2020, il était interdit de se rassembler à l'extérieur et à l'intérieur, en Belgique comme (presque) partout. Seuls les cimetières restaient ouverts. C'est dans cet espace que Myriam Leroy, l'auteur, prend l'habitude de rencontrer son amie pour discuter. Un jour, elle découvre une tombe avec une inscription insolite : Marina Chafroff, 31-01-1942, Décapitée. Il n'en faut pas plus pour lancer la machine à écrire de l'écrivain et journaliste. Qui était cette femme ? Qu'a-t-elle bien pu faire pour mourir décapitée. A la hache ?
A l'aide de quelques documents d'époque, lettres, papiers officiels, et d'un seul blog espagnol racontant l'épopée de cette jeune femme d'origine russe, figure effacée (puisque décapitée) de la Résistance belge pendant la Seconde Guerre mondiale, Myriam Leroy offre un récit entre faits historiques et imagination. Elle tisse les liens invisibles entre l'Histoire et l'histoire. Comment cette petite femme russe est arrivée en Belgique ? Et surtout, quel est son parcours jusqu'à cette issue sordide ?
Le mystère de la femme sans tête est le roman de la résistance intérieure. Marina, cette exilée, mariée jeune avec un bel adolescent de 17 ans puis, très vite, mère de deux enfants. Seule dans un pays où l'on veut à peine d'eux, seule le soir pendant que son mari écume les bistrots, seule avec sa révolte invisible. Révolte contre sa condition d'épouse soumise, révolte contre ce peuple soumis à Hitler, révolte contre le monde dans lequel elle vit. Alors, seule, encore une fois, cette toute petite femme, va assassiner un officier nazi. Puis un autre. Au péril de sa famille. Au péril de sa vie.
Myriam Leroy élève Marina Chafroff au rang des plus grandes féministes, au combat noble et héroïque et à l'issue tragique. Elle le sait, elle invente, elle fait des rapprochements, elle enjolive, elle imagine. Elle écrit. Elle écrit une biographie largement romancée et sa plume sait ponctuer ce récit de tendresse et d'humour. La tendresse qu'elle a eu pour cette femme décapitée. Et l'humour pour casser le sordide. J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur, un style journalistique et poétique. Ca ne va pas ensemble, mais c'est ce qu'offre Myriam à Marina. Et j'ai trouvé ça beau.
Avis des lecteurs:
Et vous, qu'en pensez-vous ?