jeudi 21 mars 2024

Vestiaire de l'enfance

Vestiaire de l'enfance,

Patrick Modiano,
Ed. Gallimard, 1989


Mot de l'éditeur :

" Quand je l'ai aperçue, assise près de la grille en fer ouvragé qui sépare le café de la salle de billard, je n'ai pas tout de suite distingué les traits de son visage. Dehors, la lumière du soleil est si forte qu'en pénétrant au Rosal, vous plongez dans le noir. La tache claire de son sac de paille. Et ses bras nus. Son visage est sorti de l'ombre. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. Elle ne me prêtait aucune attention".
" Toute personne susceptible de nous donner d'autres détails sur ces sujets est priée de nous écrire. "


Dealer : Dialogues, Brest


Ma lecture :

Pour moi, lire du Modiano, c'est comme déguster un thé dont je viens d'ouvrir le paquet. Il aura ce goût aussi réconfortant que les autres. Sans surprise. Mais avec beaucoup de saveur.
Et, parfois, quand je lis, une voix s'impose dans ma tête. C'est souvent celle de Jack dans Titanic (on ne se refait pas !). Mais là, c'était celle de Jean-Louis Trintignant. Lente. Douce. Mélancolique. A point nommé, pour les mots de Modiano.

Dans un café d'Afrique du nord, où les langues se mélangent dans un joli patchwork, le narrateur, Jimmy, croit reconnaitre en une jeune femme une petite fille qu'il a connue quelques années plus tôt à Paris. Le Paris de Modiano où, assis sur une banquette en moleskine rouge, il observe le monde qui l'entoure et qui semblait l'entourer. Semblait car, la mémoire du narrateur divague entre le "passé poussiéreux" et son imagination. Jamais il ne lui viendrait à l'idée de dépoussiérer ce passé. La poussière est trop précieuse, elle permet tous les possibles. Toutes les promesses.

Modiano, c'est la précision des dates, des rues et le flou des visages. Il sublime le moleskine dans ses banquettes ou couvertures d'agendas oubliés. J'aime me perdre dans les déambulations de l'auteur. Le phrasé apporte mélancolie et nostalgie et le brouillard brouille toutes les pistes. Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ? Y sommes-nous vraiment, d'ailleurs ? Au lecteur de reconstituer le puzzle, s'il retrouve toutes les pièces. Peut-être même que deux jeux sont mélangés mais une fois assemblés, ils offrent une belle carte postale du moment. Celui où Jimmy, ou Jean, croit reconnaître cette petite fille connue dans les cafés de Paris. Rien n'est sûr, tout est possible dans ce brouillard. Personne ne s'y risquerait à le couper au couteau : ce serait briser le charme de Modiano.


Avis des lecteurs:

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