dimanche 23 juin 2024

Une vie française

Une vie française,

Jean-Paul Dubois,
Ed. Seuil, 2005


Mot de l'éditeur :

Petit-fils de berger pyrénéen, fils d'une correctrice de presse et d'un concessionnaire Simca à Toulouse, Paul Blick est d'abord un enfant de la Ve République. L'histoire de sa vie se confond avec celle d'une France qui crut à de Gaulle après 58 et à Pompidou après 68, s'offrit à Giscard avant de porter Mitterrand au pouvoir, pour se jeter finalement dans les bras de Chirac.

Et Paul, dans tout ça ? Après avoir découvert, comme il se doit, les joies de la différence dans le lit d'une petite Anglaise, il fait de vagues études, devient journaliste sportif et épouse Anna, la fille de son patron. Brillante chef d'entreprise, adepte d'Adam Smith et de la croissance à deux chiffres, celle-ci lui abandonne le terrain domestique. Devenu papa poule, Paul n'en mène pas moins une vie érotique aussi intense que secrète et se passionne pour les arbres, qu'il sait photographier comme personne.

Une vraie série noire – krach boursier, faillite, accident mortel, folie – se chargera d'apporter à cette comédie française un dénouement digne d'une tragédie antique. Jardinier mélancolique, Paul Blick prend discrètement congé, entre son petit-fils bien-aimé et sa fille schizophrène.

Si l'on retrouve ici la plupart des " fondamentaux " de Jean-Paul Dubois – dentistes sadiques, femmes dominatrices, mésalliances et trahisons conjugales, sans parler des indispensables tondeuses à gazon –, on y découvre une construction romanesque dont l'ampleur tranche avec le laconisme de ses autres livres. Cet admirateur de Philip Roth et de John Updike est de retour avec ce roman dont le souffle n'a rien à envier aux grandes sagas familiales, dans une traversée du siècle menée au pas de charge.


Ma lecture :

Olivier Adam évoque souvent Jean-Paul Dubois comme son maître littéraire. Et je ne l'avais encore jamais lu. Souvent croisé sur les étals, mais jamais ouvert.
C'est chose faite.
Et...pourquoi ne l'avais-je jamais fait avant ? 

Un soir d'élections de 1958, Paul Brick, le narrateur, perd son frère aîné. Il a 8 ans, de Gaulle est Président de la République, et sa vie bascule. Ses parents perdent leur lumière, et Paul grandit à mesure que se déroule le Vème République dans le petit écran.

Et ce n'est pourtant pas un roman triste, au contraire. Si la mort de son frère fait partie de sa construction personnelle, Paul est bien vivant et compte profiter de la vie. Il est touchant car il est maladroit tout au long du roman, dans ses relations, dans ses choix de carrière, ... Jean-Paul Dubois nous régale de scènes cocasses et presque mythiques : son copain qui se masturbe dans le rôti du dimanche, le narrateur qui prend l'avion engoncé dans des liasses de billets ou encore l'appel de Mitterrand. Ce sont des pépites d'humour qui égayent le récit d'un homme qui peine à trouver sa place. Depuis l'enfance, il n'est que le frère du frère disparu et il doit avancer avec ça. Bancal. Il devient gauchiste dans un milieu de droite, tombe amoureux de sa femme Anna avec qui il va plus cohabiter que vivre complètement, elle ne pense qu'à son entreprise familiale et lui reste à la maison à élever ses enfants. Il se trouvera une passion pour la photographie naturaliste qui le mènera, sommes toutes, vers une gloire éphémère.

Des années de Gaulle aux années Chirac, Paul grandit et évolue, doute et s'interroge, s'éveille et se morfond. Du particulier à l'universel, Jean-Paul Dubois offre une fresque familiale et sociologique. Dans ce récit mêlé d'humour et d'ironie, le narrateur est attachant et survole cette Vème République avec ses priorités propres.

C'est un roman que je n'oublierai pas, j'ai savouré cette lecture, j'ai été émerveillé par jeux de mots. Au delà de ce récit aux allures burlesques, il raconte d'abord la vie. La vraie. Celle qui dérive, celle qui dévie. Celle qui enveloppe, celle qui s'en va. 

Plus qu'un coup de cœur, une révélation !
Alors, on est dimanche : je ne mangerai pas de rôti, mais j'ai la satisfaction d'avoir une pile de Dubois à découvrir !


Avis des lecteurs:

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