Sorcières,
La puissance invaincue des femmes,Mona Chollet,
Ed. Zones, 2018
Mot de l'éditeur :
Tremblez, les sorcières reviennent ! disait un slogan féministe des années 1970. Image repoussoir, représentation misogyne héritée des procès et des bûchers des grandes chasses de la Renaissance, la sorcière peut pourtant, affirme Mona Chollet, servir pour les femmes d'aujourd'hui de figure d'une puissance positive, affranchie de toutes les dominations. Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante –; puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant –; puisque l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d'horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Ma lecture :
Cela fait quelques mois que je vois traîner cette couverture un peu partout, et j'ai fini par céder à la tentation...Ce n'est pas un roman sur les sorcières mais une étude, une réflexion sur ce que sont devenus les préjugés que nous avons tous des sorcières. Existent-elles ? Peut-on encore les croiser, même en plein jour ?
Mona Chollet revient sur les chasses aux sorcières, du Moyen-Age à nos jours. Oui, à nos jours. Je suis d'une génération assez bénie où l'égalité homme-femme, si elle n'est pas acquise, est déjà conquise. Mais, ne nous endormons pas sur nos lauriers et prenons garde aux chasseurs de sorcières qui rôdent toujours, prêts à porter le coup de massue fatal. Dans leur ligne de mire, les femmes qui réussissent leur carrière. Célibataire, carriériste, indépendante, sans enfant : sorcière ! Cette chef de projet à la chevelure blanche : sorcière !
L'auteur analyse diverses sources, et compare les sorcières de l'imaginaire avec la situation actuelle (et moins actuelle) des femmes. Ces sources sont variées et toujours pertinentes.
Elle aborde notamment un thème relativement tabou, celui de la femme qui, seule ou en couple, ne désire pas d'enfant. Mona Chollet offre à chacun, et chacune, pour le coup, une liberté sociale. Il est vrai que le mariage, la maison, et les enfants font partie du tableau conventionnel. Certaines s'y perdent. D'autres osent rester en dehors, l'assument et n'en sont guère malheureuses. Je me suis rendue compte du poids des conventions, des convenances sociales sur les femmes et les hommes. Nous vivons dans un pays libre, mais le sommes-nous réellement ? Celles qui sortent du lot se font aisément traitées de sorcières.
Sorcières, la puissance invaincue des femmes, percute, dérange puis fait réfléchir. En tout cas, je suis souvent passée par ces trois phases en le lisant. Il percute car il appuie là où ça fait mal, il dérange car il déstabilise la vision édulcorée que j'avais du monde et du rapport homme-femme, mais surtout il fait réfléchir, et c'est là l'essentiel. Je fais plus attention aux petites phrases dénigrantes envers les femmes mais devenues courantes. On les oublie, on n'y prête pas attention, mais elles sont là. Depuis des décennies. Des combats ont été gagnés sur le papier, mais dans l'inconscient collectif, il y a encore du travail !
Bref, merci Mona Chollet d'avoir réveillé ma conscience !
Avis des lecteurs:
Et vous, qu'en pensez-vous ?