Ainsi soit-elle,
Benoîte Groult,Ed. Grasset, 1975
Mot de l'éditeur :
En tête des espèces recensées sur notre globe s'inscrit l'humaine, bien sûr, incarnée dans l'homo sapiens. De nos jours, un chœur de voix de plus en plus fortes proclame qu'il n'est pas l'unique représentant présentable de l’espèce, que sa compagne la mulier (la femme) est sapiens aussi et a le droit d'occuper une place au soleil égale à la sienne, même si par tradition il la considère comme sa « moitié ».
« La tradition, voilà le mot clef qui a servi à justifier depuis des siècles la condition des femmes; une tradition établie par les hommes et renforcée par des lois, également conçues par les hommes. Il était fatal que le jour où les femmes prendraient conscience de cette injustice, elles se révolteraient contre le sort qui leur est fait, un sort que la vie quotidienne masque encore à quelques-unes d'entre elles, privilégiées, aveugles ou Ignorantes. » Le livre de Benoîte Groult vient à point dessiller les yeux de celles-ci ou renseigner celles-là et les hommes également afin que tous comprennent que le féminisme n'est pas une névrose ou une le mode mais une nécessité vitale, qu'« il faut enfin guérir d'être femme. Non pas d'être née femme, mais d'avoir été élevée femme dans un univers d'hommes », comme l'écrit Benoîte Groult, avant de rappeler les conditionnements de toutes sortes imposés aux femmes depuis les temps bibliques pour le seul confort et le seul bénéfice de l'autre sexe.
Une documentation solide, un humour parfois corrosif mais souvent réjouissant font de cet exposé sobre et objectif un des meilleurs ouvrages sur la question féminine.
Dealer : Boîte à livres de les 40 ans
Ma lecture :
Je continue de piocher dans ma fabuleuse boîte à livres reçue pour mes 40 ans.
Pioche du jour : Benoîte Groult. Je ne l'avais encore jamais lue, de peur que ce soit trop corsé. Pourtant le corsage, Benoîte Groult l'a fait sauter depuis belle lurette !
Ainsi soit-elle, ouvrage féministe de référence, donc, publié en 1975. Deux ans après la loi Veil. J'avais peur, à l'instar de sa couverture, que le texte soit devenu désuet. Mais malheureusement, pas du tout. Certains termes ont évolué, par exemple, elle parle de fraternité féminine sans en être satisfaite. Le serait-elle du très à la mode "sororité" ?
Son ouvrage commence comme une conversation avec le lecteur et avec elle-même au détour d'un voyage de Paris vers le Finistère qu'elle chérit. Et doucement, elle glisse vers le rapport hommes/femmes par des observations très quotidiennes et factuelles comme le comportement automobile. Puis son discours devient plus franc, plus militant avec une pudeur qui l'empêche de côtoyer les écueils des "chiennes de garde" de son époque. Il faut dire que Benoîte Groult use d'un certain sens de l'humour qui rend son ouvrage très plaisant à lire.
La journaliste est une des premières à dénoncer, nous ne sommes qu'en 1975, les mutilations féminines, comme les excisions, pour, selon les hommes, conférer les femmes dans leur vertu et ne pas les rendre ivres et... autonomes dans le plaisir sexuel. Edifiant !
Sans en abuser, et uniquement pour la comparaison rhétorique, elle met en parallèle misogynie, antisémitisme et racisme en se basant sur l'histoire des femmes, depuis le Moyen-Age. Là aussi, cette analogie est assez effarant ! L'autrice va loin pour bouleverser les consciences et réveiller des consciences féministes.
Cet ouvrage fête des 50 ans. Et son propos est toujours d'actualité. Est-ce une bonne nouvelle ? Franchement pas. Les choses bougent très lentement, à cause de la culture, la société, le fameux patriarcat. La linguistique a fait émerger de nouveaux termes comme sororité ou féminicide mais n'a réglé, ce n'est pas le rôle de la linguistique, aucun problème.
Les mots changent-ils avant les maux ?
Franchement, ouvrez ce livre de Benoîte Groult et avec elle, faites le point sur la condition féminine aujourd'hui.