mardi 11 décembre 2018

La vraie vie

Rentrée Littéraire 2018


 


La vraie vie,

Adeline Dieudonné,
Ed. L'iconoclaste, 2018


Mot de l'éditeur :

Le Démo est un lotissement comme les autres. Ou presque. Les pavillons s alignent comme  des pierres tombales. Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et  celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère, est transparente,  amibe, craintive, soumise à ses humeurs.
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l arrivée du marchand de glace. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant. 




Lu pour le Club de Lecture de Saint-Pol-de-Léon

Ma lecture :

J'avais vu cette couverture étonnante défiler sur les blogs et groupes de lecture. Etrange, cette bête sauvage à travers la fenêtre, non ?

L'héroïne du roman, La vraie vie, est une jeune adolescente, grande sœur d'un frère à protéger, Gilles, et fille d'une mère transparente et d'un père colérique qui prend toute la place, dans cette maison. Ce père est chasseur de gibier, un vrai prédateur qui sème la terreur dans sa propre famille. Il réserve même une pièce spéciale pour entreposer ses trophées macabres. Ce n'est pas la chambre des secrets mais la chambre des cadavres. Pour oublier ce quotidien chaotique, la grande sœur et son petit frère s'inventent des jeux dans des terrains vagues ou à la casse-auto du coin. Leur seul moment de plaisir : le passage du marchand de glace. Quelle joie lorsqu'ils entendent sa musique, quelle joie de prendre le temps de choisir son parfum, et quelle joie, encore, de s'autoriser ce supplément interdit de chantilly. La chantilly, douceur sucrée de l'enfance qui va, justement, bousculer leur enfance déjà malmenée. Un jour, le marchand de glace explose littéralement devant eux, ce frère et cette sœur, à cause du siphon à chantilly. Image d'horreur.
A partir de ce jour, plus rien ne sera pareil. Gilles arrête de sourire et s'enferme dans un mutisme effrayant. Il passe des heures dans la chambre des cadavres à observer la hyène.

Leur enfance parsemée de douceurs et de rires complices est derrière eux. Gilles est perdu dans la contemplation de l'horreur, et sa grande sœur veut tout faire pour le ramener à la vie. En fait, elle voudrait retourner à la vraie vie, celle d'avant le drame du siphon. Peut-on remonter le temps à l'aide d'une Deloréan bricolée ? La jeune fille va passer plusieurs étés à travailler sur ce projet, à étudier la physique auprès d'un professeur réputé. Au moins, elle s’occupe l'esprit, elle voit moins sa mère se faire frapper par son père, son frère s'enfoncer dans ses passions macabres. Le soleil ne brille plus sur cette maison, vraiment plus. Nous sommes dans la partie noire du roman où les issues sont introuvables...
L'écriture d'Adeline Dieudonné devient aussi plus acide. La douceur de l'enfance est considérablement loin derrière eux et ces enfants, malgré tout, doivent faire des choix d'adultes.

Adeline Dieudonné livre là un roman fracassant. Dans cette maison de banlieue, l'horreur a pris refuge, incarnée par le père. L'horreur de la chambre des cadavres, l'horreur de cette femme battue et transparente, l'horreur du drame du siphon à chantilly, et l'horreur dans laquelle finit par basculer toute la famille. Et ce n'est pourtant pas un roman d'horreur. C'est un roman social, empreint de quelques notes d'humour belge et d'espoir, malgré tout. Il est impossible de refermer le roman et de passer à un autre, sans faire de pause, sans prendre l'air tant la lecture m'a asphyxiée.
Les personnages sont vrais : ils ne sont pas stéréotypés ou manichéens, ils sont justes. Justes dans leur noirceur, justes dans leur absence ou justes dans leur lumière, mais justes.
Dans ce roman noir où l'horreur monte doucement, l'écriture d'Adeline Dieudonné tempère les émotions. Tantôt loufoque, tantôt acide, tantôt douce, son écriture serpente dans le roman. Sommes-nous sa proie ? Ses personnages sont-ils sa proie ?

La vraie vie a reçu quelques prix : Première Plume, Prix Renaudot des Lycéens, Roman Fnac.
Succès amplement mérité pour ce roman noir...si lumineux !



 





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