vendredi 15 mars 2019

Les inséparables







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Les inséparables,

Simone Veil et ses soeurs,
Dominique Missika,
Ed. Seuil, 2018


Mot de l'éditeur :

Elles sont trois sœurs : Madeleine, Denise et Simone Jacob, rescapées des camps de la mort. Madeleine, dite Milou, et Simone déportées avec leur mère Yvonne parce que juives à Auschwitz et à Bergen-Belsen ; Denise, à Ravensbrück. Rapatriées en mai 1945, Milou et Simone apprennent à Denise, déjà rentrée, que leur mère est morte d'épuisement. De leur père, André, et de leur frère Jean, elles espèrent des nouvelles. Déportés en Lituanie, ils ne reviendront jamais.
Pour les sœurs Jacob, le retour est tragique. À la Libération, on fête les résistants, mais qui a envie d'écouter le récit des survivants ? Milou et Simone ne rencontrent qu'indifférence, incompréhension et gêne, alors elles se taisent. Mais, peu à peu, la vie reprend ses droits. Les jeunes femmes semblent heureuses quand, en 1952, Milou meurt dans un accident de voiture. Denise et Simone restent les deux seules survivantes d'une famille décimée. Plus que jamais inséparables.

Dans ce récit poignant, Dominique Missika éclaire la jeunesse des filles Jacob, toutes trois si belles et si vaillantes, et raconte ce qui a souvent été tu : la difficulté de certains déportés à trouver une place dans la France de l'après-guerre. À partir de ses souvenirs personnels et d'archives inédites, l'auteure, qui a été proche de Simone Veil devenue une icône républicaine, et de Denise Vernay, combattante inlassable de la mémoire de la Résistance et de la déportation, dévoile ici un pan intime et méconnu de l'histoire de ces sœurs admirables.
Dominique Missika est historienne. Elle a publié plusieurs ouvrages sur la France sous l'Occupation, dont L'Institutrice d'Izieu (Seuil, 2014).



Dealer : Bibliothèque de Sibiril


Ma lecture :

Quand je regarde la photo de la couverture, je ne peux pas m'empêcher de m'attarder sur chaque visage, sur chaque regard avec émotion. Quelle tragédie ! Quels destins ! Ces quatre enfants, les quatre enfants Jacob, Madeleine, Denise, Jean et Simone. sous le soleil niçois, encore insouciants...

Encore un livre sur Simone Veil ? Non. Enfin si. Mais tellement nécessaire ! Dominque Missika se penche sur l'enfance heureuse des Jacob. Les deux aînées, Madeleine (Milou) et Denise sont unies, comme le sont les deux petits, Jean et Simone. Leurs parents rêvent pour eux d'un avenir brillant et les élèvent dans ce sens. Puis le krach de 1929 passe par là, et surtout, surtout, Hitler en 1933 et sa volonté d'éradiquer tous les juifs de la planète. La famille Jacob est juive, mais non-pratiquante. Ils se sentent avant tout laïques. Alors que peut-il leur arriver ?
En mars 1944, tous les membres de la famille sont arrêtés un à un. Les parents, Yvonne et André, Simone, Milou et Jean sont déportés vers Drancy. De là, ils rejoindront les fantômes des camps de l'Est. Denise, entrée en Résistance, est arrêtée quelques semaines plus tard. Elle sera internée à Ravensbrück. En 1945, Denise revient des camps de la mort et attend le retour des siens. Près d'un mois plus tard, seules Milou et Simone, méconnaissables, reviennent. L'auteur ne s'attarde pas sur leur déportation, déjà racontée ailleurs, mais sur leur retour difficile.
Revient-on vraiment des camps de la mort ? Les trois sœurs, orphelines, n'ont plus rien. Les Nazis leur ont tout pris. Elles ont tant laissé derrière elles, à Auschwitz, Bergen-Belsen ou Ravensbrück, que la vie parisienne de 1945 est difficile à appréhender. Difficile, aussi, de raconter d'où elles viennent. Personne n'est prêt à les écouter. Alors comment envisager une reconstruction ?

L'angle d'approche de Dominique Missika sur le retour de ces trois déportées est vraiment pertinent. J'y ai appris, par exemple, que les déportés politiques, comme Denise internée pour faits de Résistance, n'étaient pas traitées comme les déportés "raciaux", sous-entendu juifs. Il était préférable d'oublier ces derniers, zones d'ombre de l'Histoire européenne et de l'Histoire de France, encore toute fraîche. Mieux valait célébrer ceux qui s'étaient battus pour la France, pas ceux qui s'étaient "facilement laissés prendre". Le sort s'acharne sur ces juifs revenus de la mort qui peinent à retrouver le goût et le sens de leur vie d'avant.
Le récit de Dominique Missika est concis, dans un style journalistique, sans pathos. La vérité est déjà assez cruelle pour rendre ce récit poignant. Simone Veil et sa sœur Denise Vernay (Madeleine est décédée dans un accident de voiture en 1952), conditionnées par leur déportation, auront œuvré toute leur vie pour la justice, la mémoire et l'humanité. Je pense pouvoir dire qu'elles auront réussi à livrer un bel hommage à toutes les victimes de la Shoah, pour qu'on ne les oublie pas, pour ne pas répéter les erreurs de l'Histoire...

La lecture des Inséparables est, encore aujourd'hui plus que nécessaire pour prendre la mesure de notre Histoire récente, de ses travers et surtout, pour continuer à voir la fraternité l'emporter sur la bêtise humaine...

A lire, évidemment. Nécessairement. Absolument.



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