dimanche 30 décembre 2018

Ca raconte Sarah

Rentrée Littéraire 2018


 

Ca raconte Sarah,

Pauline Delabroy-Allard,
Ed. de Minuit, 2018


Mot de l'éditeur :

Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d'une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l'allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l'étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d'une seconde à peine. Ça raconte Sarah, de symbole : S.



Lu dans le cadre du Club de Lecture


Ma lecture :

Depuis la rentrée littéraire, ma libraire parle tellement bien de ce roman, comme une belle histoire d'amour, passionnée et déchirante, que je me suis décidée à le lire.

Ca raconte Sarah raconte l'histoire d'amour, l'histoire de la passion amoureuse de Sarah et de la narratrice. La narratrice, vous n'en saurez pas plus sur son identité, a une fille, vit avec un homme -pas le père de l'enfant, est prof dans un lycée. Une jeune femme bien rangée, en somme. Un soir de réveillon, elle est éblouie par la lumière de Sarah. Elle n'a rien prévu, rien calculé, mais l'amour la surprend, la terrasse. La passion la bouleverse, la bouscule, la dévore. Elle est mue et émue par Sarah, si lumineuse, si enjouée. A côté de cette lumière, la narratrice semble bien fade et effacée. Elle le dit elle même : elle ne vit que quand son amour est là, quand elle est absente, elle est est en léthargie. Elle redécouvre l'amour, comme une adolescente.
Voilà la première partie : ça raconte Sarah, ça raconte cette passion dévorante, belle, absolue.

Dans la seconde partie, la passion meurt. A petit feu puis brutalement, sèchement. La corde du violoncelle lâche et laisse derrière elle une vibration déchirante. Sarah ne répond plus, ne vient plus illuminer la vie de la narratrice. Est-elle morte ? On ne le sait pas. Une seule chose est certaine : l'amour, son amour est mort. La passion devient douleur. Et c'est aussi beau. Oui, la douleur est belle, sublimée par l'écriture de Pauline Delabroy-Allard.

Un des thèmes majeurs du roman est la musique. Sarah est violoncelliste dans un quatuor. Et pendant ma lecture, j'entendais les Quatre Saisons de Vivaldi. Dans la première partie du roman, dans la passion amoureuse, enivrante, Le Printemps, la Primavera, sonnait au creux de mon oreille. Les mots, la musicalité des phrases virevoltaient, allegro. Par contre, quand la passion commençait à s'éteindre pour mourir complètement, nous passions dans la phase Automne/Hiver de l’œuvre.
L'écriture de Pauline Delabroy-Allard raconte ça : l'amour sublimé dans sa passion puis dans sa douleur. J'ai trouvé ça merveilleux de ressentir la musicalité du texte au point d'entendre les Quatre Saisons. La musicalité se ressent aussi dans la répétition de certaines phrases, comme un refrain dans l'air. Cela donne une cohérence et une intensité au roman, indéniablement.

En bref, Ca raconte Sarah est un magnifique roman d'amour à l'écriture musicale. Une passion entre deux femmes : la narratrice plutôt effacée dans la vie, et Sarah, véritable tourbillon de vie. Elle est le centre, la lumière, l'élément perturbateur, le leitmotiv, le cœur du roman. Elle seule a une prénom. Les autres, la narratrice, sa fille ne sont jamais nommées. Etrange ? Mais en même temps cohérent : c'est une passion dévorante et absolue, seule Sarah existe. Elle efface tout sur son passage, telle une tornade. La narratrice, déjà effacée derrière Sarah ne vit que pour son amour, et sa propre vie, son travail, sa fille passent au second plan. Il y a un côté dérangeant, un bémol, par rapport à l'enfant, véritablement laissé de côté, mais je crois que c'est cela qui montre à quel point la narratrice a été dévorée par sa passion et rongée par sa douleur. Cependant, si j'ai trouvé le personnage de Sarah, virevoltant, passionnant et passionné, je n'ai pas réussi à m'attacher à elle. Elle même ne semble pas s'accrocher au monde et vit comme bon lui semble. J'ai eu plus d'empathie pour la narratrice, totalement démunie face à sa passion puis à sa douleur.

Un beau roman, musical : allegro et dolorosamente, graciozo et frenetico.
Ce ne sera pas un coup de cœur mais tout de même une belle découverte hors de mes sentiers battus.






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