Luz ou le temps sauvage,
Elsa Osorio,
Ed. Métailié, 2000
(Ed. Points, 2020)
Mot de l'éditeur :
A vingt ans, à la naissance de son enfant, Luz commence à avoir des doutes sur ses origines, elle suit son intuition dans une recherche qui lui révélera l'histoire de son pays, l'Argentine. En 1975, sa mère, détenue politique, a accouché en prison. La petite fille a été donnée à la famille d'un des responsables de la répression. Sa mère adoptive ignore d'où vient cette enfant qui lui ressemble si peu, son grand©père, le général, campe sur ses certitudes politiques et son mépris pour son gendre, tourmenté par le remords et dont le suicide ressemblera à une exécution... Personne n'a su d'où venait Luz, à l'exception de Myriam, la compagne d'un des tortionnaires qui s'est liée d'amitié avec la prisonnière et a juré de protéger l'enfant. Luz mène une enquête semblable à celles des Grands Mères de la place de Mai, mais depuis sa situation troublante d'enfant que personne n'a jamais recherchée. Cette histoire est remarquablement racontée, sur un rythme de thriller. Loin des clichés, c'est l'amour qui pousse les personnages à rechercher la vérité. --Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.
Dealer : Livres in room, Saint-Pol-de-Léon
Ma lecture :
On m'a offert ce roman au hasard des tables de ma librairie préférée. La femme aux yeux bandés, sur la couverture, interpelle. Qui est-elle ? Qu'a-t-elle fait ?
Nous voilà dans l'Argentine de 1976, celle de la dictature militaire. Celle de tous ces abus. Celle des disparus. Celle qui a laissé désemparées les abuelas de la Plaza de Mayo. 30 000 opposants ont disparu, laissant derrière eux 500 bébés volés et confiés aux proches du pouvoir en place.
Luz est l'un d'eux. Mais elle a passé son enfance loin de cette identité. En fait c'est pire, elle a été élevée par la fille d'un général au pouvoir.
Le roman raconte l'histoire de Luz, dès les premières heures de sa naissance et, parallèlement, sa rencontre avec son vrai père, Carlos Squirru. Plusieurs voix se mêlent et s'entremêlent pour rétablir la vérité. Ce style narratif est perturbant au début, mais retrace parfaitement la confusion de ces enfants privés de leurs racines. Elevée dans les mensonges et les non-dits, Luz se doute peu à peu que quelque chose ne colle pas avec sa famille, mais elle n'ose imaginer le combat qui l'attend. Comme ces combats que mènent jour après jour les grands-mères de la Place de Mai, à Buenos-Aires, à rechercher des traces de leurs enfants et petits-enfants disparus. A leurs côtés, et avec l'aide de son mari Ramiro, elle va mener l'enquête de sa vie, la quête de sa vie pour retrouver ses racines. Un à un, elle dénoue les fils pour remonter vers la vérité, malgré les fausses pistes et les obstacles.
Les personnages, Liliana, Miriam, Eduardo, Carlos, et bien sûr, Luz, sont terriblement attachants. Le drame qui se noue entre eux est complètement kafkaïen et pourtant monnaie courante dans ces années argentines. Je n'avais jamais lu ce genre de roman, ni d'auteur argentine, mais je connaissais l'histoire des disparus et des abuelas de la Plaza de Mayo. Le parcours de Luz éclaire cette Histoire et ne le rend que plus tragique. L'écriture d'Elsa Osorio est tortueuse, torturée mais rend un vibrant hommage à tous ces enfants volés.
Luz ou le temps sauvage, par l'écriture vibrante et par l'histoire poignante ne laissera aucun lecteur indifférent. Rentrer dans l'Histoire par la petite porte est douloureux mais nécessaire pour la comprendre...
Avis des lecteurs:
Et vous, qu'en pensez-vous ?