mercredi 12 mai 2021

Ella, l'espoir au loin

elle l'espoir au loin Nelly Ben-Israel Israel Juif Paris roman avis chronique critique blog M Plus
Ella, l'espoir au loin
,

Nelly Ben-Israël,
Ed. M Plus, 2021


Mot de l'éditeur :

Ella Marge a 17 ans en 1965. Issue d'une famille juive aisée de Rouen, ses parents, survivants de la Shoah, sont traumatisés par la guerre. Ella et son frère Sébastien font partie de la deuxième génération, nés après l'innommable mais souffrant des séquelles indélébiles du supplice que vécurent leurs parents. Brillante littéraire, Ella tente de quitter sa famille oppressante, son père, violent, la tourmentant sans relâche. Lors d'une réunion culturelle, elle rencontre l'écrivain et activiste espagnol Jorge Semprún qui deviendra son mentor. Ce premier volet de ce diptyque historique évoque des souffrances mais aussi de grands amours. Alliant travaux académiques, références musicales et cinématographiques, l'auteure aborde également les thèmes de l'identité et de la reconstruction. Outre la découverte de la France des années 60 et 70, ce roman entraîne les lecteurs en Espagne et en Israël, à la rencontre de personnalités historiques, de la Guerre des Six jours à la transition démocratique espagnole en passant par Mai 68.

Nelly Ben-Israël est bibliothécaire à l'Université hébraïque de Jérusalem. Née au Maroc, de nationalité israélienne, de culture française et espagnole, elle a la chance de maîtriser plusieurs langues, ce qui fut une incroyable richesse pour appréhender ce livre, et décrire la complexité identitaire de son héroïne en France, Espagne et Israël. Ella est son premier roman.

 

Dealer : SP de  Nelly Ben-Israël

 

Ma lecture :

Quand j'ai vu ce roman circuler sur les réseaux littéraires, le résumé m'a tout de suite emballée. J'aime ces histoires où les douleurs du passé sont encore actrices du présent. L'auteur, Nelly Ben-Israël aborde les tourments des enfants de déportés...

Ella a 17 ans en 1965. Ses parents ont subi la Shoah de plein fouet : sa mère a passé deux ans cachée dans une cave et son père a été déporté. Ils réussirent malgré tout à s'en sortir, ouvrir une pharmacie à Rouen et à fonder une famille. Mais les douleurs s'installent avec les non-dits et Ella grandit dans une famille ternie par les drames et les fantômes du passé. Son père devient violent, sa mère soumise. Elle se réfugie dans la littérature, qui la sauvera, littéralement, par les rencontres qu'elle fera. Son libraire d'abord, Juif lui aussi, qui l'invitera vers de nouveaux auteurs et romans. Pendant ses études de lettres, Paul, son amour d'adolescente, lui fera rencontrer Jorge Semprun. Oui, Jorge Semprun, rien que lui. Il vient de publier son premier roman, Le grand voyage, et parle ouvertement de sa déportation. Cela fait écho aux douleurs non dites de sa famille.
Alors qu'elle étouffe, Ella va s'éveiller à la vie par l'amour d'abord, puis par la littérature à quoi elle consacre tous ses projets. Elle veut lire, enseigner, écrire. Elle s'émancipe par la littérature française et espagnole.

Ella, l'espoir au loin est un roman sur la judéité : son histoire, ses drames, son avenir. Nelly Ben-Israël est très bien documentée sur le sujet, elle est bibliothécaire à Jérusalem. J'ai même parfois eu l'impression d'avoir trop d'informations sur l'histoire de la religion, mais tout cela est bien ancré dans le roman, et la lecture reste, malgré tout, fluide. C'est un premier roman, avec ses envies et ses maladresses. L'envie de tout raconter, et... cette maladresse de tout raconter. On sent que l'auteur a voulu être complète et pertinente dans ses propos, et elle l'est ! La maladresse réside dans le dosage du roman pur et des thèses historiques. Mais moi qui suis passionnée par la Seconde Guerre Mondiale et sensible à la Shoah, j'ai trouvé ce roman formidable. Il aborde avec pudeur cette génération d'après, la génération de la vie élevée par celle de la mort. C'est difficile mais c'est bien de cela qu'il s'agit. Comment mettre des enfants, une famille sur le bon chemin de l'avenir quand les fantômes du passé ne cessent d'hanter les parents ?

Enfin, Ella, est aussi le roman de l'émancipation. L'émancipation familiale, sociale, féminine, littéraire. Et aucune émancipation ne se fait sans drames...

Nelly Ben-Israël signe là un roman dense et bouleversant sur cette génération d'enfants de déportés, pris dans le tourbillon de la culture française et avec ce regard, malgré tout, tourné vers ce jeune état salvateur : Israël. Où est leur place  ? Sur les terres qui ont, disons-le, déporté leurs parents ? Ou sur des terres où tout reste à construire, un nouvel eldorado ?

Bravo !


Avis des lecteurs:

Et vous, qu'en pensez-vous ?

Suivantes Précédentes Accueil