Songe à la douceur,
Clémentine Beauvais,Ed. Points, 2018
Ed. Sarbacane, 2016
Mot de l'éditeur :
Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17 ; c'est l'été, et il n'a rien d'autre à faire que de lui parler. Il est sûr de lui, charmant et plein d'ennui, et elle timide, idéaliste et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse, et lui, semblerait-il, aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana s'est affirmée, elle est mûre et confiante ; Eugène s'aperçoit, maintenant, qu'il ne peut plus vivre loin d'elle. Mais est-ce qu'elle veut encore de lui ? Songe à la douceur, c'est l'histoire de ces deux histoires d'amour absolu et déphasé - l'un adolescent, l'autre jeune adulte - et de ce que dix ans, à ce moment-là d'une vie, peuvent changer. Une double histoire d'amour inspirée des deux Eugène Onéguine de Pouchkine et de Tchaïkovski - et donc écrite en vers, pour en garder la poésie.Ma lecture :
La couverture est belle et douce, en accord avec son titre, Songe à la douceur. Le résumé m'a tout de suite plu : une histoire d'amour, de retrouvailles. Mais à l'ouverture du livre et à la découverte des pages, j'ai été déroutée. Qui écrit encore en vers, aujourd'hui ? Attention, j'aime la poésie, Rimbaud et Apollinaire font partie de mes livres de chevet : mais si je souhaite lire de la poésie, je prends un recueil, pas un roman en lice pour le Prix du Meilleur Roman. Non mais sans blague, c'est quoi cette histoire ? (Ah, Petit Nicolas, tais-toi !)Figurez-vous donc que Clémentine Beauvais, même pas 30 ans, a écrit un roman en vers. Franchement, mon œil et mon cerveau ont eu un temps d'adaptation : non mais sans blague, c'est quoi cette histoire ? (Ah, Petit Nicolas, je t'ai déjà dit de te taire !)
Bref, une fois mon œil et mon cerveau faits à l'idée de lire un roman en vers, les deux compères étaient bien contents de profiter de la beauté du voyage. Ecrire un roman en vers, c'est pouvoir, librement, couper ses phrases pour les mettre en valeur ou mettre un seul mot en lumière.
Clémentine Beauvais a décidé d'écrire une adaptation libre d'Eugène Oneguine, de Pouchkine (1837) ou de Tchaïkovski (1879). Voilà pourquoi elle était tiraillée entre vers et prose (Pouchkine ayant livré un roman, et Tchaïkovski un opéra) ?
Le fond du roman peut être banal : Eugène et Tatiana se rencontrent un été adolescent. Ils discutent, imaginent un amour mais n'ont pas le temps de le vivre. Dix ans plus tard, ils se recroisent par hasard dans le metro. Et si le destin leur offrait une seconde chance ? Dix ans plus tard, les personnages ont changé : peuvent-ils réécrire l'histoire ?
Tels les Pages dans Antigone de Sophocle, par exemple, Clémentine Beauvais intervient dans le roman et déblatère avec ses personnages. Cela peut agacer, mais j'ai trouvé ça chouette de surprendre des conversations entre l'auteur et son personnage.
Vraiment, vraiment, la forme du roman est originale, terriblement audacieuse et tout simplement efficace. Les vers ne sont pas lourds comme les lourds rideaux de velours d'un théâtre, mais si légers qu'ils s'envoleraient presque. L'auteur partage avec nous et ses personnages son amour des mots et de l’œuvre initiale. La forme est la force véritable de Songe à la douceur.
Non mais sans blague, c'est quoi cette histoire ? Ne vous laissez pas déroutés par la forme du roman car c'est grâce à elle que vous vous envolerez haut, très haut, dans la beauté des mots et des personnages.
Une découverte poétique terriblement enivrante ! J'en redemande ! Rideau, rouvre-toi !
Pour continuer à rêver, voici la bande-son du roman :
#PMR2018
Avis des lecteurs:
Et vous, qu'en pensez-vous ?