mercredi 7 novembre 2007

Goncourt 2007

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Pour la première fois dans ma vie, j'attendais le résultat du Goncourt avec impatience.
J'étais largement pour Olivier Adam. Mais il est arrivé second ! Bon, c'est déjà bien, d'autant plus que les articles parlent autant du lauréat, Gilles Leroy que du second.
J'avoue que je ne connais le détenteur du Goncourt, mais, allez, dans l'année je le lis !  Dans l'année car j'imagine que les bibliothèques seront prises d'assaut !
Mais voilà, je suis déçue pour Olivier Adam. Peut-être le Goncourt des Lycéens.. ?







g07t.jpgAutour de la table des jurés du prix Goncourt, chez Drouant, quelques minutes après qu'ait été rendu public le nom du lauréat 2007, Bernard Pivot a accepté de revenir sur le choix de Gilles Leroy, récompensé cette année pour «Alabama Song»

 Le choix a été très compliqué. C'était prévu. Au fond, tout s'est passé exactement comme prévu : on ne savait pas qui aurait le prix, mais on savait que ce serait difficile, et très ouvert. Il n'y a pas eu d'empoignades, chacun a dit au départ ce qu'il pensait des livres. J'ai peut-être été le plus long à parler d'ailleurs, avec François Nourrissier. Et puis on a voté... Jusqu'au 10e tour, il faut la majorité absolue. On a compris qu'il n'y aurait pas de majorité absolue. Et la majorité relative n'est arrivée qu'au 14e tour, pour départager Gilles Leroy et Olivier Adam...
C'était très compliqué pour le jury, mais aussi très compliqué pour moi, parce que j'aimais les deux livres. J'ai même voté pour les deux, alternativement. J'aurais voulu que les deux aient le Prix Goncourt...
«Alabama Song» et «A l'abri de rien» sont deux histoires de femmes. D'ailleurs, dans les cinq romans de la dernière sélection, quatre racontaient des aventures féminines. C'est assez étonnant. Le seul où il n'y avait pas de femme héroïne, c'était «le Rapport de Brodeck», de Philippe Claudel, qui n'a pas eu de voix.
Mes deux favoris étaient cependant très différents: l'histoire de Zelda est celle d'une grande bourgeoise qui a beaucoup de qualités et tout pour avoir une vie facile; de l'autre côté, l'héroïne d'Olivier Adam est dans une misère à la fois psychologique, langagière et sociale... Si on lui demandait de juger Zelda Fitzgerald - on n'oserait d'ailleurs même pas lui poser la question - elle répondrait: «elle se fout de moi, elle a tout pour être heureuse et elle ne l'est pas, quelle erreur». Ce n'est pas Zelda qui irait s'occuper des sans-papiers du côté de Calais ou de Cherbourg!
La grande réussite de Gilles Leroy tient à son style très brillant, enchanteur, flamboyant. C'est un livre où l'on passe constamment d'une époque à une autre, avec une grande ambition structurelle et, surtout, un style moderne qui - sans essayer de copier le style du début du XXe siècle- fait de Zelda une femme d'aujourd'hui, avec ses problèmes de solitude, d'alcoolisme, ses rapports avec un mari qui l'étouffe... C'est cela qui m'a conquis dans le livre. D'ailleurs, je l'avais écrit dès la fin août dans le «Journal du dimanche».
Evidemment, il prend le parti de Zelda contre son mari, mais ce sont les droits du romancier: il a le droit de faire ce qu'il veut. Il invente des détails, même si le canevas reste fidèle à la vie de son modèle: elle termine folle dans la vie, elle termine folle dans le livre de Leroy. Cette façon de s'emparer de personnages réels est sans doute une mode, une tendance contemporaine de la littérature. Mais il ne s'agit pas ici pour le romancier d'inventer quand il ignore ce qui s'est passé - ce serait alors du roman historique. Leroy prend de la hauteur par rapport à son personnage, il choisit de la croquer comme un peintre qui aurait eu envie de faire son portrait. Il dit ici qui est Zelda pour lui. C'est elle qui l'obsède, pas Scott Fitzgerald.
Il est sûrement un peu amoureux de Zelda - son mari n'est pas le seul à l'avoir été... Car il fallait aimer cette femme, en effet, pour la rendre aussi séduisante, en dépit de tous ses défauts, son narcissisme, son alcoolisme... Le résultat littéraire est le portrait d'une femme qui vit, qui est constamment dans le mouvement. Celui d'une battante.
Gilles Leroy a également su entrer dans la tête d'une femme. Il n'est pas le premier bien sûr. Flaubert avait déjà fait cela il y a un moment, avec «Madame Bovary», et n'avait pas trop mal réussi son coup... C'est le privilège des grands romanciers: ils se mettent dans la peau de qui ils veulent : un personnage vrai ou un personnage inventé, une femme, un homme ou, pourquoi pas, un transsexuel.
J'ai aussi beaucoup défendu le livre d'Olivier Adam, parce qu'il trouve beaucoup d'échos dans l'actualité. L'héroïne d'«A l'abri de rien» est saisie par une compassion excessive, et se met à oublier ce qu'elle doit à sa famille, son mari, ses enfants. Avec l'Arche de Zoé, aujourd'hui, c'est un peu la même chose qui se produit: on voit des gens qui d'un seul coup, par compassion, par amour des enfants des autres, transgressent les lois et vont au-delà de ce qu'ils doivent faire.
Philippe Claudel n'a eu aucune voix. Mais on savait avant de commencer que sur les cinq romanciers sélectionnés, il était celui dont les chances étaient infimes. Parce qu'il avait eu le Renaudot il y a quatre ans [pour «les Ames grises»], et aussi un peu à cause des «Bienveillantes»: couronner à nouveau un roman qui parlait de la guerre et des camps de concentration, même si Claudel a un talent indiscutable, c'était difficilement envisageable. Il a été la victime de Jonathan Littell, c'est sûr.
Pour les autres, en revanche, on ne pouvait pas savoir, c'était très ouvert : Michèle Lesbre et Clara Dupond-Monod ont chacune failli revenir dans la course ; et même Amélie Nothomb, qui avait été éliminée de la dernière sélection, s'est retrouvée avec une voix cette fois-ci. Sans doute celle de Sabatier, ce n'est pas vraiment un secret...

Propos recueillis par Grégoire Leménager pour Bibliobs





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Alabama Song,
Gilles Leroy,
Mercure de France, 2007


Mot de l'éditeur :
Les garçons des clubs, les jeunes officiers du mess, je les tiens dans ma main gantée de fil blanc. Je suis Zelda Sayre. La fille du Juge. La future fiancée du futur grand écrivain.
Du jour où je l’ai vu, je n’ai plus cessé d’attendre.
Et d’endurer, pour lui, avec lui, contre lui.
Montgomery, Alabama, 1918. Quand Zelda, « Belle du Sud », rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s’est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du tout New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes…
Gilles Leroy s’est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines. Pour peindre avec une sensibilité rare le destin de celle qui, cannibalisée par son mari écrivain, dut lutter corps et âme pour exister…
Mêlant avec brio éléments biographiques et imaginaires, Gilles Leroy signe ici son grand « roman américain ».



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