La vie ne danse qu'un instant,
Theresa Révay,Ed. Albin Michel, 2017
Ed. Le livre de poche, 2018
Mot de l'éditeur :
Rome, 1936. Alice Clifford, correspondante pour le New York Herald Tribune, assiste au triomphe de Mussolini. Sa liaison avec un diplomate proche du pouvoir fasciste ne l'aveugle pas, et son goût pour la liberté l'empêche de succomber aux sirènes des dictatures.La guerre menace, les masques vont tomber. Alice découvre les conspirations qui hantent les couloirs du Vatican et les rues de Berlin, tandis que attirance pour un journaliste allemand révèle les fêlures de son passé.
Des palais romains à la corniche d'Alexandrie, des montagnes d'Éthiopie aux plaines de Castille, l’inoubliable portrait d’une femme intrépide et passionnée.
Dealer : SP de l'été Livre de Poche
Ma lecture :
Je vous le dis tout de suite : j'ai failli arrêter la lecture à une centaine de pages.J'ai failli.
Je ne l'ai pas fait.
Enthousiasmée par son sujet (la Seconde Guerre Mondiale) et son Prix Simone Veil, je suis allée vérifier les chroniques de collègues blogueuses. Et oui, cela sert à ça les blogs, à encourager la lecture ! J'y ai lu que, malgré le début longuet, le roman était merveilleux.
Je me suis donc accrochée à La vie ne danse qu'un instant, et je peux maintenant vous en parler.
Nous suivons Alice Clifford, journaliste américaine, enfin, correspondante de guerre. Dès 1936, elle est à Rome où les effluves d'un certain Hitler poussent un certain Mussolini au pouvoir. Dès 1936, elle s'inquiète de la situation dans les pays de l'Est et de ces deux hommes au charme inquiétant.
La jeune reporter couvre les prémices de la Seconde Guerre Mondiale, de Rome à Alexandrie, d'Ethiopie aux fronts républicains espagnols. Je vais m'attarder sur le terme couvrir, car Alice semble assister aux conflits comme une spectatrice, comme une journaliste qui a devoir de neutralité, en fin de compte. Elle couvre les conflits, elle met littéralement une couverture dessus pour ne la voir que par les yeux d'une reporter, pas d'une femme humaine pleine de sentiments. J'ai trouvé cette approche vraiment intéressante, mais c'est cela qui m'a empêchée de m'attacher à Alice, qui fait office de personnage froid et distant.
Cependant, au fil des pages (le roman en contient 600), Alice se dévoile, s'humanise. Jeune divorcée, elle goûte les hommes, peu importe les camps. A Rome, elle s'attache plus particulièrement à Umberto, proche de Mussolini. Au port d'Alexandrie, il lui manque terriblement et ne souhaite que retourner à Rome. Pourtant, il a une femme et des enfants, et surtout, il a choisi le camp défaillant. Ils vivent malgré tout une histoire d'amour sensuelle. Un jour, Alice tombe enceinte. Elle ne dit rien à Umberto : une maîtresse ne doit pas tomber enceinte. Elle doit se faire avorter. Seule. C'est à ce moment qu'Alice s'humanise pour de bon, que naissent, chez moi, la compassion et la sympathie pour cette jeune femme. Elle vit un amour impossible pour bien des raisons : familiales, politiques, éthiques, ... Elle continue à couvrir le conflit, qui, au fil des années, s'amplifie. Elle se retrouve même à interviewer Mussolini en personne !
Alice se retrouvera une nouvelle fois enceinte d'Umberto. Cette fois, contre toute attente, elle se décide à le garder, à être mère. Seule. Une maîtresse ne doit pas tomber enceinte. Comment peut-elle donner la vie dans ce monde qui s'entretue ? La vie a-t-elle un avenir, en ces temps sombres ? Et Umberto dans tout cela, n'a-t-il pas le droit de savoir ?
Malgré les cent premières pages vraiment longues, parfois barbantes, j'ai réussi à rentrer dans le roman de Theresa Révay. Elle nous emmène au cœur de l'Histoire, du triomphe fasciste des années 30 à la dégringolades des grands ducs en 1945. Elle nous apprend des détails méconnus sur les prémices de la Seconde Guerre Mondiale. Je n'avais pas lu de romans portant le point de vue italien, entre Fascisme et Résistance, et j'ai trouvé cela très intéressant. Le Vatican, par exemple. Ancré en Italie, était-il Italien, et donc fasciste ? N'était-il pas poings liés avec Mussolini ? Il est de bon ton de dire que Dieu est absent de toute guerre, mais quelle a été l'attitude de Pie XII face à tout cela ? Le roman soulève ces questions et apporte quelques réponses, historiques et romanesques.
Parlons un peu des personnages.
J'ai mis beaucoup de temps à m'attacher à Alice qui était distante, mais a gagné son humanité en tombant enceinte. Porter la vie lui a donné vie et prestance. De la journaliste neutre, elle est devenue une femme émouvante, submergée par ses sentiments. Elle incarne le féminisme de l'époque : elle est quand même grand reporter, libre, ambitieuse et sans attaches. C'est ce côté battant qui a permis au roman La vie ne danse qu'un instant de recevoir le Prix Simone Veil. Cependant, l'amour et la maternité la feront changer...
Le personnage d'Umberto est également intéressant. Au début du roman, il est opportuniste, dans les petits papiers de Mussolini. Il évite soigneusement son frère, Giacomo, qui a déjà compris que le monde allait être bouleversé par les grands ducs au pouvoir. Peu à peu, il ouvre les yeux sur l'Histoire et retourne sa veste pour en changer les tournants. De personnage impétueux, il devient un héros humain.
Alice et Umberto s'humanisent peu à peu, mus par l'amour et la foi en l'humain. Ils veulent plus qu'assister ou servir l'Histoire, ils veulent plus que la vivre, ils veulent la changer. Et dès ce moment-là, ils deviennent tous deux des héros ! On ne peut que leur souhaiter une belle histoire d'amour dans ce monde nouveau où la Paix triomphera.
Mais parfois, les drames viennent perturber le triomphe des héros...
Malgré un début de lecture difficile, j'ai adoré ce roman dense, riche en informations. L'auteur, Theresa Révay s'est minutieusement documentée pour offrir à ses héros un berceau authentique. La Seconde Guerre Mondiale a changé l'Humanité : les hommes, les femmes, les frontières, les modes de vie, la politique, ... La vie ne danse qu'un instant parvient à battre la mesure avec toutes ces notes. Et il fera battre votre cœur !
Avis des lecteurs:
Et vous, qu'en pensez-vous ?