samedi 9 juin 2018

Le Gardien de nos frères




Le Gardien de nos frères,

Ariane Bois,
Ed. Belfond, 2016
Ed. Charleston Poche, 2018


Mot de l'éditeur :


Entre 1939 et 1967, de Paris à Toulouse et de New York à Tel Aviv, l'extraordinaire destin de deux êtres fracassés
par la guerre.
Rien ne prédestinait Simon et Léna à se rencontrer. Lui appartient à la bourgeoisie juive parisienne, patriote, laïque et assimilée ; il a été maquisard et blessé au combat. Elle est issue d'un milieu de petits commerçants polonais et a réussi à survivre au ghetto de Varsovie.
En 1945, la guerre leur a tout pris. Chacun de leur côté, ils vont accepter une mission très particulière : rechercher des enfants juifs cachés par leurs parents dans des familles, des orphelinats ou des couvents, quand il s'avère que ceux-ci ne rentreront pas des camps.
C'est l'histoire de deux jeunes révoltés qui, dans une France exsangue, vont se reconstruire grâce à la force de l'amour.



Dealer : SP Charleston, merci !




Ma lecture :

Vous le savez, je suis friande de romans autour de la Seconde Guerre Mondiale. Le Gardien de nos frères me promettait un regard nouveau sur mon thème de prédilection...

Simon entre dans la guerre alors qu'il sort à peine de l'adolescence. Juif, il ne fait pas bon vivre pour lui et sa famille, pourtant établie à Paris depuis des années. Son père, en bon citoyen, déclare sa judaïté à l'Etat, puis, avec ses amis scouts, Simon entre en Résistance...
Pendant ce temps, à Varsovie, Léna subit pogroms, humiliations et voit ses proches la quitter un à un vers la mort ou la déportation...
En 1945, après une sérieuse blessure, Simon est de retour à l'appartement familial. Le voici pillé, dévasté et squatté. Mais qu'est devenue sa famille ? Où sont leurs biens ? Où est leur vie ? Son frère aîné est mort au combat, sa sœur est morte en sauvant des enfants juifs, ses parents ont été déportés à Auschwitz. Et son petit frère, Elie, où est-il ? Simon est au Lutécia quand reviennent des convois d'âmes perdues, les survivants de l'Holocauste. Son cousin revient, le regard hagard, affaibli, mais vivant. Ni son père, ni sa mère ne reviendront. Pour eux, pas de sépulture possible, ils sont les disparus de la Shoah. Simon est donc seul à Paris et erre dans son appartement dévasté, dans sa vie dévastée.
En 1945, Léna arrive à Paris pour être loin de son passé polonais et de ses morts.
C'est dans ce contexte que Simon et Léna se rencontrent, après-guerre, le cœur bien lourd, trop lourd. Une association juive s'est donné pour mission de retrouver les enfants juifs cachés pendant la guerre, ceux que personne ne réclame, en tout cas pas leurs parents, restés pour toujours à Auschwitz. Les deux âmes esseulées se retrouvent dépisteurs et, ensemble, redonnent un nom, un passé à ces enfants qui ont, parfois, oublié leur identité, leur religion, leur famille. Simon en profite pour traquer son jeune frère, Elie. Le retrouvera-t-il ? Les survivants peuvent-ils retrouver une vie normale ?

Je m'intéresse de plus en plus à cette fraîche après-guerre. La signature de l'Armistice ne signifie pas un retour à la vie normale, loin de là. On a tendance à ne pas penser à cet après, qui est aussi tumultueux que la guerre-même. Ariane Bois axe son regard sur les survivants de l'Holocauste, déportés ou non, d'ailleurs. Lorsque Simon rentre à Paris et se heurte à son appartement pillé et squatté, c'est terrible pour lui. Il a vécu des événements dramatiques, il a perdu ses parents : il a perdu son patrimoine foncier et familial. On apprend que beaucoup d'appartements ont vite été pillés et occupés par des habitants peu scrupuleux. Beaucoup ont même manifesté pour ne pas rendre ces biens volés. C'est quand même hallucinant, non ?
Et parlons de ces enfants cachés pendant la guerre. Ils étaient souvent très jeunes, autour de 5 ans, et leur mémoire, à leur âge, est très malléable. Beaucoup ont oublié leur identité : nom, prénom, famille, religion, et donc leur passé... Certains ont été utilisés par les familles d'accueil pour travailler dans les fermes, mais ils ont, dans l'ensemble été bien traités. Tellement bien traités que là encore, rendre ces enfants a été difficile pour les familles adoptives. La mission des dépisteurs était de retrouver ces enfants, de faire le lien avec leurs parents revenus des camps, ou des parents plus éloignés, le plus souvent déjà en sécurité aux Etats-Unis ou en Palestine. Cette mission est une partie importante du roman qui devient alors un roman d'aventure, d'enquête. Simon et Léna parcourent la France à la recherche de ces déracinés...
Je parlais de Palestine. Avant la guerre, certains Juifs d'Europe ont eu le nez fin et sont partis en Palestine se mettre en sécurité. On assiste alors, après-guerre, à la création d'Israël.
Ariane Bois aborde des thèmes plutôt rares dans la littérature autour de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah : les scouts et la guerre, le retour des survivants, le pillage et le vol des biens immobiliers, les enfants cachés. J'ai appris beaucoup de choses, plutôt terrifiantes, sur ces sujets. Elle apporte donc un regard neuf, d'un angle pertinent à l'édifice.

Le Gardien de nos frères est un magnifique roman sur les conséquences de la guerre et de l'Holocauste sur les survivants, sur les populations, sur l'Humanité et bien sûr, sur l'Histoire. Ce n'est pas un énième roman car Ariane Bois maîtrise son sujet et l'aborde avec pertinence et originalité. L'histoire de Simon et Léna est dramatique. Sauront-ils trouver la force pour survivre à leurs morts ? Pourront-ils accepter l'amour et la vie qui leur tendent les bras ?
Le Gardien de nos frères est un roman poignant, terriblement réussi ! Merci Ariane Bois pour ce roman coup de cœur. A lire, évidemment, car si le passé éclaire le présent, le présent doit parfois, à son tour, rallumer le passé...




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