mercredi 22 avril 2020

Gabriële

Gabriële,

Anne et Claire Berest,
Ed. Stock, 2017


Mot de l'éditeur :

Septembre 1908. Gabriële Buffet, femme de 27 ans, indépendante, musicienne, féministe avant l’heure, rencontre Francis Picabia, jeune peintre à succès et à la réputation sulfureuse. Il avait besoin d’un renouveau dans son œuvre, elle est prête à briser les carcans : insuffler, faire réfléchir, théoriser. Elle devient «  la femme au cerveau érotique  » qui met tous les hommes à genoux, dont Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire. Entre Paris, New York, Berlin, Zürich, Barcelone, Étival et Saint-Tropez, Gabriële guide les précurseurs de l’art abstrait, des futuristes, des Dada, toujours à la pointe des avancées artistiques. Ce livre nous transporte au début d’un xxe  siècle qui réinvente les codes de la beauté et de la société.
Anne et Claire Berest sont les arrière-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia.



Dealer : Prêté par une copine avertie ;)


Ma lecture :

Je viens de refermer le roman et de lancer un grand "waw !".
Ma chronique sur Gabriële pourrait s'arrêter là, ne sentez-vous donc pas l'enthousiasme criant ?


 Anne et Claire Berest ont découvert tardivement qu'elles étaient les arrière-petites-filles de Francis Picabia et de Gabriële Buffet-Picabia. De leur quête, elles ont décidé d'en faire un roman, à quatre mains.
Nous entrons donc de plein fouet dans l'émulsion des années 1910 : les artistes, musiciens, peintres, écrivains bouillonnent de nouvelles idées pour un monde nouveau. Gabriële se consacre à la musique et se rêve musicienne et compositrice. Les formations ouvertes aux femmes sont encore très rares, mais elle se bat pour rentrer dans les meilleures écoles. Bientôt, elle fait la rencontre passionnée et passionnante de Francis Picabia. C'est le coup de foudre. Elle l'épouse. Non : il l'épouse et elle met de côté sa musique et détourne son art sur celui de son peintre de mari. Elle adore le voir peindre et l'éveille artistiquement : il faut peindre la musique !
Dans leur sillage passionné, Duchamp, Apollinaire tiennent les bons rôles : tous travaillent à un art nouveau, tous brûlent de vivre librement, sans règles imposées.
La Première Guerre Mondiale mettra fin à ce bouillonnement artistique....

Je ne connaissais pas la vie de Picabia, encore moins de celle qui aura été sa femme dix ans, Gabriële. Leur vie est passionnée, folle, passionnante. Les soeurs Berest regorgent d'anecdotes à leur sujet, comme les escapades décidées sur un coup de tête vers la Bretagne, Cassis ou le Jura, seuls ou avec Marcel Duchamp ou Guillaume Apollinaire. Picabia, féru de voitures et de vitesse vivait ainsi, à cent à l'heure, libre de tout conformisme. Le couple a eu quatre enfants qu'ils regardaient à peine, trop encombrants dans leur folie artistique et mondaine.

J'aime beaucoup Apollinaire, alors le voir dans un roman est toujours jubilatoire. Il n'est plus un nom sur la couverture d'un recueil, il vit, écrit et récite ses poèmes. Nous sommes une petite souris, cachée dans les coulisses d'un poème, dans les coulisses d'une peinture, dans les coulisses de l'art.

Ce que je retiens de ce roman est cette ambiance folle, électrique, créatrice, anticonformiste de cette époque. Picabia n'a jamais manqué d'argent, flambait comme un dandy et vivait follement... Quitte à oublier ses devoirs, ses obligations envers ses enfants, sa femme, ... Il n'avait aucune barrière.
Et je retiens aussi le choix que Gabriële a fait par amour pour son mari, d'oublier son propre art et de rester dans l'ombre de Picabia. Elle avait su se battre en tant que femme pour accéder à des écoles réservées aux hommes, mais la passion l'a faite renoncer. Elle était somme toute heureuse, de tirer les ficelles derrière Picabia. Une ombre dévouée.

Leur relation tumultueuse m'a fait penser à un roman que j'ai lu autour de Modigliani et de Jeanne Hébuterne. Passion folle entre ces deux peintres, à la même époque. Même scénario : elle met son art entre parenthèse pour se consacrer à sa passion, qui lui, Modigliani, virevolte à droite à gauche, tel un papillon en manque de lumière.

Enfin, dans toute cette folie, cet éternel bouillonnement, les soeurs Berest, tendrement, dressent le portrait ces aïeuls oubliés car absents, finalement, de toute vie familiale... 

Un coup de cœur ? Evidemment !



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