La maison allemande,
Annette Hess,Ed. Actes Sud, 2019
Mot de l'éditeur :
Best-seller dès sa parution, immédiatement traduit dans de nombreux pays, La Maison allemande nous fait éprouver le traumatisme et la révolte d’une génération qui a eu vingt ans dans les années soixante et s’est trouvée confrontée au refus de mémoire dans l’Allemagne de l’après-guerre.
L’héroïne du roman, Eva, fille des propriétaires d’un modeste restaurant de Francfort-sur-le-Main, s’apprête à se fiancer avec un jeune héritier de la ville quand débute le “second procès d’Auschwitz” (1963) où doivent être jugés les crimes des dignitaires nazis. Eva a suivi des études d’interprète, elle maîtrise la langue polonaise : le tribunal la contacte pour lui proposer d’assurer, durant les audiences, la traduction instantanée des dépositions que feront les survivants du camp.
Ignorant tout de ce passé, bravant les vives réticences de ses propres parents et celles de son fiancé, Eva décide de suivre son instinct et d’accepter cette mission.
S’ouvre alors devant elle le long chemin d’une prise de conscience qui engage sa famille, mais qui concerne également toute la société de son temps.
Porté par un regard de cinéaste et mené tambour battant, ce roman captive par sa justesse, son efficacité, son empathie avec une jeune femme en pleine construction de son individualité, dans un pays où la reconnaissance du passé engage profondément l’avenir.
Ma lecture :
Dernier round de ma lubie "maison", d'autant que j'ai quelques lectures à rattraper avant mes trois romans de Noël.
Nous voilà dans l'Allemagne des années 60 où Eva est sur le point de présenter son amoureux, Jünger, à sa famille. Issue de la grande bourgeoisie, acceptera-t-il sa famille plus modeste ?
En parallèle, son métier de traductrice allemand/polonais l'amène à devenir interprète pour un grand procès qui doit se tenir dans sa ville. Pour l'occasion, la salle de spectacle se transforme en tribunal. Sur le banc des accusés, des nantis de Francfort, chefs d'entreprise ou pharmacien. Leur acte d'accusation : crime contre l'humanité. Viennent à la barre des rescapés d'Auschwitz, méprisés par ces accusés inattaquables. La vérité coule dans cette salle où hier encore, on y jouait des comédies burlesques, nauséabonde, insoutenable.
Le cœur et la raison de la jeune Eva sont bouleversés. Et sa mémoire, peu à peu se réveille pour révéler un secret. Tous les Allemands sont coupables, soit par actes, soit par dénis. Ses parents non plus ne sont pas irréprochables...
J'ai beaucoup aimé ce roman que j'ai imaginé marron : les meubles, la moquette, les vêtements, les chapeaux en feutre, ... Une espèce de sépia qui tend vers l'oisiveté colorée des années 70 mais reste encore plombé par le poids de la guerre, le poids du nazisme, le poids de la culpabilité. Ce procès, à l'instar de celui de Nuremberg, les Allemands n'en veulent pas, il réveille un passé trop douloureux, trop gênant. Il est pourtant temps d'y faire face.
L'autrice décrit parfaitement ce procès, qui se retrouve être une véritable mascarade où les accusés seront à peine inquiétés. Le personnage d'Eva est très intéressant, au-delà même du procès et de la culpabilité familiale, elle montre la fragilité de la société allemande, entre conservatisme et modernisme. La place de la femme est bancale, encore soumise à son mari mais éprise d'une liberté à prendre.
Un roman magistral sur la société allemande des années 60, lourde de culpabilité mais tendue vers une émancipation générale.
L'autrice a également scénarisé la série Berlin 56 / 59 / 63 que j'avais beaucoup aimé. On retrouve les mêmes thèmes : la société, le féminisme, le poids du nazisme, ...
Un immense coup de cœur pour ce roman puissant !
C'est carrément le genre de romans qui pourrait me plaire ! Et bravo pour ce défi maison réussi, tu m'impressionnes !
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