lundi 25 septembre 2017

L'art de perdre







Rentrée Littéraire 2017 



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L'art de perdre,

Alice Zeniter,
Ed. Flammarion, 2017


Mot de l'éditeur :

L'Algérie dont est originaire sa famille n'a longtemps été pour Naïma qu'une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu'elle ait pu lui demander pourquoi l'Histoire avait fait de lui un "harki". Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l'été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l'Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ? Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l'Algérie, des générations successives d'une famille prisonnière d'un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d'être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales. 




Ma lecture : 

L'art de perdre est ma deuxième lecture pour le Prix Landerneau.
Son thème principal tourne autour de l'Algérie : entre émigration et Harkis. Je ne maîtrise pas du tout le sujet, ce qui me rebute à en lire des romans. C'était donc clairement une lecture forcée. Forcée mais après avoir entendu Alice Zeniter deux fois en interview (La grande librairie et Europe1), elle a su attiser ma curiosité.

Le roman s'ouvre sur Naïma, jeune française d'origine algérienne. Origine algérienne dont elle ne sait pas grand chose à part la cuisine et les accents chantants de Yema sa grand-mère, et les silences de son grand-père et de son père. Son prénom et ses cheveux sont les seules traces visibles de ces origines. J'ai bien écrit "ces" car Naïma ne peut pas encore parler de "ses" origines dont elle sait si peu qu'elles ne peuvent vraiment lui appartenir.

L'auteur dresse alors une véritable saga familiale autour du patriarche Ali et de sa femme Yema. Honnêtement, et Naïma dresse le même constat, je ne parviens pas tout à fait à saisir l'Histoire de l'Algérie entre Algériens, Harkis, Pieds-Noirs, Français, je suis perdue. Mais en tout cas, Ali et Yema, en 1962, en pleine guerre d'Algérie, donc, quittent leur pays, craignant pour leurs vies et celle de leurs enfants. L'Algérie ne veut plus d'eux, la France ne pourra que les tolérer. Commence alors un exil forcé et mal vécu. Ils arrivent dans le Sud de la France où ils sont parqués dans des camps dont il est difficile de sortir. Leurs conditions de vie sont misérables, mais c'est bien là le prix à payer pour ne plus à craindre la guerre et les massacres.
Le roman se poursuit avec leurs fils, Hamid. Il est né en Algérie, mais l'a quittée très tôt. Ses premiers souvenirs de France se résument à ces années passées dans les camps de transit. Adolescent, il peut, avec sa famille, quitter cette vie d'exil pour une vie en barre d'immeuble en Basse-Normandie. Ali a un travail à l'usine, et Yema élève les enfants, toujours plus nombreux, jusqu'à en être dix. A partir de cette vie "normale", Hamid taira son exil avec ses souffrances, ses hontes, ces incompréhensions, ...
Et la saga se poursuit jusqu'en 2016 où, depuis toujours, Naïma veut comprendre l'origine de sa famille. Elle ressent dans le silence de son père, Hamid, un mal-être caché et profond qu'elle ne peut pas comprendre. Naïma, elle, est Française, née d'un parent d'origine algérienne et d'une mère bourguignonne. L'enfant de la mixité, par excellence. L'enfant qui, par cette mixité, ne sait plus qui elle est, dans quelle direction se tourner pour regarder vers son passé, vers ses origines.

L'art de perdre évoque tout cela et tous ceux-là. Ali le déraciné forcé pour sauver sa famille : ni lui ni sa femme Yema ne se feront à la France, toujours dans l'entre deux : à la fois répudiés par l'Algérie et ignorés par la France. Hamid ensuite, aura plus de clés pour s'intégrer, il va même se marier avec une Française "pure souche". Mais pour cela, il devra refouler, nier, rejeter son passé d'Algérien exilé. Naïma, enfin, devra composer avec ces pans de l'Histoire, ces origines diverses pour se retrouver elle, en tant que femme issue de la mixité sociale.

J'ai failli lire L'art de perdre à reculons. Sans mon engagement dans le Jury du Prix Landerneau, je n'aurais jamais ouvert, ni lu ce roman. Et bien, chers lecteurs, je serai passé à côté d'un roman sublime, magnifique, fort, humain, authentique. C'est bien là une belle découverte littéraire et historique.
Si je vous le conseille ? Oh que oui, courrez, ruez-vous sur L'art de perdre...vous ne perdrez rien, bien au contraire, vous avez tout à y gagner !
Bravo et merci de m'avoir mise face à l'Histoire avec cette somptueuse histoire de famille, Alice Zeniter !



Avis des lecteurs:

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