dimanche 3 septembre 2023

Les amants du Lutetia

Les amants du Lutetia,

Emilie Frèche,
Ed. Albin Michel, 2023


Mot de l'éditeur :

«Qu’il vous reste de nous notre amour infini de la vie, de sa beauté et de sa légèreté, et que du fin fond de notre sommeil éternel, vous nous entendiez rire encore. Rire, chanter, danser et célébrer la vie. Nous l’avons tant aimée.»

Un matin, un garçon d’étage de l’hôtel Lutetia, découvre un couple d’octogénaires, main dans la main, endormis pour l’éternité.
Ce geste ultime et romantique, cette liberté qu’ils n’ont pas hésité à s’offrir a certes du panache, mais Ezra et Maud ont-ils pensé à leur fille Eléonore qu’ils laissent en proie à l’incompréhension et au chagrin ?
Ont-ils seulement pensé à elle en planifiant leur mort spectaculaire, leur funérailles extravagantes, le legs compliqué de leur maison des Bulles ?
Ultime coup d’éclat d’un couple de publicitaires, vendeurs de rêves, incarnations vibrantes des dernières décennies euphoriques du XXe siècle ou témoignage d’amour maladroit, absurde, tapageur mais d’amour malgré tout ?
C’est drôle, c’est perturbant, c’est bouleversant, et Emilie Frèche signe ici son meilleur roman.


Dealer : Les passagers du livre, Landerneau


Ma lecture :

En ce mois de septembre, bachotage du Certificat Voltaire oblige, je ne lirai pas beaucoup. Cependant, je voulais mettre un pied dans la rentrée littéraire. Pour ce faire, j'y ai été à l'aveugle, en librairie, en choisissant ce roman à la couverture. L'autrice m'étais jusqu'alors inconnue. Mais le titre, Les amants du Lutetia et cette photo des années 70 ont achevé de me séduire.

Maud et Ezra Kerr, grands publicitaires aimant vivre dans le faste, ont décidé, à quatre-vingts ans, de quitter la vie, dans ce même faste. Sans rien dire à personne, ils ont préparé leur départ, loué une dernière chambre au palace du Lutetia, la plus belle, et s'y sont offert la mort, au petit matin. Acte romantique ? Acte égoïste ? Acte politique ?

Quand Eleonore, leur fille, est appelée quelques heures plus tard, elle est dévastée. Par leur mort. Par leur suicide. Et par le sentiment d'avoir été, une fois de plus, écartée de leur vie.

Parce que Les amants du Lutetia n'est pas qu'un roman sur le droit de mourir dans la dignité, c'est aussi et surtout le roman de la filiation. C'est au Lutetia que Maud et Ezra se croisent, enfants, en 1945, à la recherche de leurs parents qui ne reviendront pas des camps. Ni leurs parents, ni leurs frères et sœurs. Ils sont seuls face à ce gigantesque palace. Et leur amour devient bientôt urgent, absolu, unique, voire égoïste. C'est toujours Maud et Ezra, ou Ezra et Maud. L'un ne va pas sans l'autre. Même leur fille ne trouvera pas sa place dans ce duo mythique. A Paris ou dans leur maison d'architecte du sud de la France, Les Bulles, Eléonore est releguée à la jeune fille au pair qui s'occupe d'elle. Elle ne goûte que de loin à la vie fantasque et pétillante de ses parents.

Dans la vie, comme dans la mort, Eléonore est seule, à côté de ses parents. Elle n'est pas à leurs côtés, mais bel et bien, à côté, dans un coin. Oubliée. 

Les amants du Lutetia est un roman qui donne à réfléchir sur la fin de vie, sur le droit de la choisir, de la prévoir, de la programmer. Sur le droit de rester digne et de couper le fil de la vie avant la déchéance, avant la fin. Le roman fait aussi réfléchir sur les rancœurs familiales, les non-dits. Sur le pardon.

Un beau roman, à la fois léger et bouleversant, qui offre à ce mois de septembre ses plus beaux mots et ses plus belles couleurs.

Avis des lecteurs:

Et vous, qu'en pensez-vous ?

Suivantes Précédentes Accueil