vendredi 3 juillet 2020

Chanson bretonne

Chanson bretonne,

Jean-Marie Gustave Le Clézio,
Ed. Gallimard, 2020


Mot de l'éditeur :

«Pour rien au monde nous n'aurions manqué cette fête de l'été. Parfois les orages d'août y mettaient fin vers le soir. Les champs alentour avaient été fauchés et la chaleur de la paille nous enivrait, nous transportait. Nous courions avec les gosses dans les chaumes piquants, pour faire lever des nuages de moustiques. Les 2 CV des bonnes sœurs roulaient à travers champs. Les groupes d'hommes se réunissaient pour regarder les concours de lutte bretonne, ou les jeux de palets. Il y avait de la musique de fanfare sans haut-parleurs, que perçaient les sons aigres des binious et des bombardes.»
À travers ces «chansons» , J.M.G. Le Clézio propose un voyage dans la Bretagne de son enfance, qui se prolonge jusque dans l'arrière-pays niçois. Sans aucune nostalgie, il rend compte de la magie ancienne dont il fut le témoin, en dépit des fracas de la guerre toute proche, par les mots empruntés à la langue bretonne et les motifs d'une nature magnifique. Le texte est bercé par une douceur pastorale qui fait vibrer les images des moissons en été, la chaleur des fêtes au petit village de Sainte-Marine ou la beauté d 'un champ de blé face à l'océan.



Ma lecture :

Jean-Marie Gustave Le Clézio est pour moi un auteur classique, au sens classique du terme : c'est un auteur que j'ai étudié en classe. En effet, lors de mon cursus universitaire, j'ai dû lire Le Déluge. Notez bien le "j'ai dû" qui signifie deux choses : c'était une lecture forcée dont je me rappelle vaguement la lecture. Ce dont je me souviens, c'est d'avoir été frappée par la beauté et la fluidité de son écriture. Alors quand France Inter a martelé l'intérêt du nouvel ouvrage de JMG Le Clézio, j'ai voulu renouer avec cet auteur classique...


Chanson bretonne est un court recueil de deux contes autour de l'enfance de l'auteur, de Nice et de son arrière-pays sous l'Occupation à la Bretagne de l'après-guerre. Cependant, il ne veut ni se résoudre à écrire ses mémoires, ni tomber dans une nostalgie indélicate. Son récit se présente donc sous la forme de fragments, d'épisodes, d'anecdotes. C'est un récit forcément très personnel éclairé par de belles descriptions de paysages ou de scènes quotidiennes. Je retrouve là l'écriture qui m'avait tant plu.
Malgré son refus obstiné à la nostalgie, ses récits en débordent. Mais avec délicatesse. JMG Le Clézio, on le voit, prend plaisir à retourner dans la Sainte-Marine de son enfance. L'actuelle, lissée et goudronnée, ne lui procure aucune sensation. Son enfance n'est plus là, dans le béton nouveau, elle est dans ses souvenirs avec les regards de ses copains, la marée basse et le sourire de sa mère.
J'ai aimé la sincérité de l'auteur à garder une pudeur à raconter son enfance. Au sortir de la guerre, il avait tout juste 5 ans, aussi ses souvenirs sont absents, flous, ou ravivés par des photos, les récits de sa famille puis les livres qu'il a lus. Il sait que sa petite enfance s'est construite sous l'Occupation, mais il n'en garde aucun souvenir malheureux. Sa réflexion sur la mémoire était vraiment intéressante. Comment être sûr qu'un souvenir est pur, brut, original ?

Je ressors contente de ma lecture : ce voyage dans le temps dans mon Finistère des années 50, cette redécouverte de JMG Le Clézio, Prix Nobel de Littérature, rappelons le, et cette réflexion sur la mémoire et le souvenir. Merci !



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